La maladie d’Alzheimer est une expérience bouleversante autant pour la personne atteinte que pour ses proches. Elle confronte à la perte progressive de la mémoire, de l’identité, et des repères. Dans ce contexte, une question revient souvent : à quel moment de la maladie est-il pertinent et aidant d’évoquer les souvenirs avec son proche ?

Comprendre les stades de la maladie d’Alzheimer
Pour aborder les souvenirs de manière respectueuse et constructive, il est essentiel de situer son proche dans l’évolution de la maladie. Alzheimer évolue généralement sur trois grands stades :
- Le stade léger : les oublis sont occasionnels et concernent des événements récents.
- Le stade modéré : des troubles de la mémoire plus marqués apparaissent, avec parfois des difficultés à reconnaître l’entourage.
- Le stade sévère : la perte de mémoire s’accentue, le langage et la motricité peuvent être altérés, tout comme l’autonomie.
Évoquer les souvenirs n’aura pas le même impact selon la phase dans laquelle se trouve votre proche. Dans les premiers stades, la personne est encore souvent capable de raconter et de verbaliser. Plus la maladie avance, plus les souvenirs sont fragmentés, mais cela ne les rend pas moins importants.
Les bienfaits de parler de souvenirs aux débuts de la maladie
Chez une personne au tout début de la maladie, la mémoire à long terme est généralement encore intacte. Parler ensemble des souvenirs anciens peut alors avoir plusieurs effets positifs :
- Renforcer l’estime de soi du malade, qui reprend un rôle actif.
- Consolider les liens familiaux et intergénérationnels.
- Préserver une trace écrite ou orale de l’histoire familiale avant qu’elle ne se perde.
C’est aussi une période précieuse pour aborder des conversations importantes avec son proche, échanger sur sa jeunesse, ses expériences, ses valeurs. Cette démarche peut parfois se faire à l’aide d’un support, comme des albums photos ou des objets personnels.
Certains outils peuvent faciliter cette démarche. Le livre “Raconte-moi ton histoire” a été conçu dans cette optique : il guide la personne par des questions simples et bienveillantes pour l’aider à raconter sa vie. Bien plus qu’un simple carnet, c’est un lien tangible entre générations, une manière douce de raviver les souvenirs.

Faut-il continuer à évoquer des souvenirs lorsque la mémoire décline ?
Au fil du temps, la personne malade peut éprouver des difficultés à identifier certains membres de sa famille, à situer les événements dans le temps ou à formuler ses pensées de manière fluide. Faut-il pour autant cesser de parler de souvenirs ?
La réponse est non, mais il faut adapter la manière dont on les aborde :
- Privilégiez des souvenirs très anciens, souvent mieux conservés que les récents.
- Utilisez des supports visuels : photos, musiques, objets significatifs.
- Parlez au présent d’un souvenir : “Regarde cette photo, c’est toi en vacances. Tu te souviens de ce chapeau ?”
- Acceptez que le récit soit flou ou incomplet. Ce n’est pas la précision qui compte, mais l’émotion partagée.
La communication affective l’emporte souvent sur la logique. Même si la personne ne verbalise plus, elle peut ressentir la chaleur d’un moment partagé, une musique familière, un lieu évoqué. Cette reconnaissance affective, même silencieuse, est précieuse.
Le rôle possible de l’écriture pour raviver ou préserver les souvenirs
L’écriture peut également s’avérer un canal efficace pour raviver les souvenirs, même simples. Des études et retours de terrain montrent que le fait de tenir un journal ou de répondre à des questions ciblées peut activer la mémoire autobiographique. Mais ce n’est pas seulement réservé à la personne malade.
- Un enfant, un petit-enfant peut devenir le scribe du grand-parent, en notant les anecdotes qu’il confie.
- Une tierce personne peut remplir le livre à sa place, en captant avec fidélité ce qui est dit.
C’est l’une des voies explorées dans cette réflexion autour de l'écriture et d'Alzheimer. Même lorsque les souvenirs semblent flotter, leur transcription joue un rôle dans la préservation de l'histoire familiale.
Et si on commençait tôt, avant même le diagnostic ?
La meilleure manière de préserver les souvenirs n’est-elle pas d’y penser avant que la mémoire ne vacille ? Nous avons parfois l’impression qu’il est trop tôt pour demander à un proche de raconter sa vie. Mais en réalité, c’est souvent trop tard qu’on commence.
Encourager ses aînés, même en bonne santé, à partager leurs souvenirs peut être une démarche naturelle, douce et joyeuse. On évite ainsi l’urgence d’avoir “à tout enregistrer” une fois la maladie installée. Beaucoup se demandent aujourd’hui : faut-il enregistrer les souvenirs d’un proche qui perd la mémoire ?
Un carnet, un enregistreur vocal, ou un livre à compléter comme “Raconte-moi ton histoire” peuvent être un point de départ délicat et inspirant. Le moment idéal pour poser ces questions est souvent “maintenant”.
Conclusion : S'adapter sans jamais renoncer aux souvenirs
Parler de souvenirs avec une personne atteinte d’Alzheimer n’est jamais futile. C’est une tentative d’honorer son identité, de maintenir la relation, d’apaiser parfois aussi. Que ce soit en mots, en écrits, en images, ou en gestes simples, les souvenirs sont une passerelle entre les cœurs.
Il n’existe pas de “moment parfait” pour aborder ces souvenirs. Mais chaque instant, même fugace, peut être habité de sens s’il est accompagné avec humanité. Et chaque témoignage recueilli est une petite victoire contre l’oubli.