Toucher du doigt l’éventualité de la maladie d’Alzheimer chez un proche est une étape difficile. Les premiers signes, parfois subtils, peuvent inquiéter : oubli de conversations récentes, changements d’humeur, difficultés à accomplir des tâches familières. Face à cela, la question se pose : peut-on agir pour freiner l’évolution des symptômes précoces d’Alzheimer ? Plus précisément, les souvenirs pourraient-ils jouer un rôle bénéfique dans ce processus ?
Les effets des souvenirs dans la stimulation cognitive
Les souvenirs ne sont pas de simples images du passé ; ils sont intrinsèquement liés à notre identité, à notre perception et à nos émotions. Chez les patients atteints d’Alzheimer, notamment lors des phases précoces, les souvenirs à long terme persistent souvent plus longtemps que les souvenirs récents. C’est pourquoi certaines approches non médicamenteuses s’appuient justement sur la mémoire autobiographique, pour raviver l’estime de soi et maintenir un lien avec la réalité.
La remémoration d’événements passés stimule certaines zones cérébrales encore actives. En retraçant une ligne de vie, en feuille-tant des albums de famille ou en échangeant des anecdotes sur la jeunesse, on active des circuits cognitifs positifs. Cette stimulation douce peut ralentir le repli sur soi, préserver les capacités langagières et améliorer le bien-être général. Une approche encadrée, comme la thérapie par réminiscence, se base justement sur ce principe.
Quand les souvenirs deviennent un lien familial fort
Un proche qui commence à présenter des troubles de mémoire peut perdre ses repères affectifs et sociaux. Dans ce contexte, revivre ensemble certains souvenirs communs devient un moyen de retisser du lien. Les témoignages de familles utilisant des objets porteurs de mémoire, comme des lettres, des objets anciens ou des livres personnels, abondent.
C’est dans cette perspective que des initiatives comme le livre Raconte-moi ton histoire prennent tout leur sens. En proposant des questions guidées à compléter, ce livre ne se contente pas de collecter des souvenirs ; il devient un outil de dialogue intergénérationnel. Complété par l’aîné ou en duo avec un proche, il offre un cadre pour retracer une trajectoire de vie, souvent oubliée ou trop peu partagée.

Le rôle des souvenirs dans la prévention ou le ralentissement de l’Alzheimer
Les chercheurs s’accordent sur un point : bien que la maladie d’Alzheimer ne soit pas réversible, il est possible d’agir sur les facteurs de risque. Parmi eux figurent l’isolement social, la sédentarité et la stimulation cognitive insuffisante. S’engager dans des activités qui sollicitent l’esprit favorise le maintien de fonctions mentales, même fragilisées.
Les études sur la thérapie par réminiscence, pratiquée parfois en EHPAD ou à domicile, montrent des effets positifs sur :
- La communication verbale
- La reconnaissance de l’entourage
- La réduction des troubles du comportement
Ainsi, créer des opportunités pour une personne âgée d’évoquer régulièrement ses souvenirs n’est pas anodin : c’est une action accessible, humaine, et porteuse de sens. Elle peut non seulement ralentir certains symptômes précoces (plus d'infos sur le dépistage), mais également rassurer les proches souvent démunis.
Un outil concret : créer un ancrage mémoire positif
Certains souvenirs s’estompent, d’autres restent : les premiers pas d’un enfant, un mariage, un voyage marquant, un parfum d’enfance. Les ancrer dans des supports matériels permet de les préserver. Écrire ou faire écrire ces souvenirs permet à la personne âgée de reprendre progressivement possession de son histoire.
Le livre Raconte-moi ton histoire est un bon exemple de cet ancrage. Il ne s’agit pas de remplir des pages impersonnelles, mais bien de poser, question après question, les fragments d’une vie. Il agit à la fois comme un carnet de mémoire et un support à la discussion.

Comment impliquer la famille dans la réminiscence positive ?
Le parcours d’une personne atteinte d’Alzheimer touche toute la famille. Plutôt que de subir passivement l’évolution de la maladie, l’implication dans des activités communes peut s’avérer bénéfique pour tous. Compléter un livre de souvenirs, écouter les récits du passé, ou même feuilleter des photos ensemble devient un acte partagé, bienveillant, et souvent source d’émotions positives.
Certains signes, comme égarer objets personnels ou changer brutalement d’humeur, doivent alerter. Le dialogue autour des souvenirs permet d’aborder ses inquiétudes sans stigmatiser, mais aussi de découvrir des aspects méconnus de l’histoire familiale.
Des enfants ou petits-enfants souvent étonnés trouvent là une façon concrète de contribuer au bien-être de leur aîné, et de recevoir en retour une part de mémoire familiale.
Quand commencer à recueillir les souvenirs ?
Le bon moment, c’est maintenant. Même si les premiers signes peuvent sembler bénins, mieux vaut anticiper. Attendre que la mémoire soit trop atteinte rendra l’exercice douloureux ou inutile.
De nombreuses familles choisissent d’offrir un livre de souvenirs pour des fêtes, une retraite ou un anniversaire. Mais l’impact va au-delà du simple présent : il devient, au fil du temps, un objet de transmission. Un repère aussi, pour ceux qui, un jour, voudront mieux comprendre leur propre histoire.
Ce type de démarche contribue également à préserver les liens familiaux dès les premiers signes de la maladie.
Conclusion : faire revivre les souvenirs comme outil thérapeutique
Si les souvenirs ne guérissent pas la maladie d’Alzheimer, ils peuvent en revanche jouer un rôle apaisant, structurant et stimulant. Dans les premiers stades de la maladie, ils agissent comme un ancrage bénéfique, tant pour la personne concernée que pour son entourage.
Favoriser la transmission orale, écrire les souvenirs, partager les récits… sont des gestes simples, mais à forte portée. Ils participent à ralentir certains symptômes tout en renforçant les liens intergénérationnels. Qu’il s’agisse d’une démarche personnelle ou partagée, redonner sa juste place à la mémoire est une forme de soin tout aussi importante que le suivi médical.