Héritage numérique : que faire des profils en ligne d’un proche décédé ?

À l'heure où notre vie est de plus en plus dématérialisée, la question de l'héritage numérique devient inévitable. Lorsqu’un proche décède, il n’est plus seulement question de trier des documents papier ou des albums de photos physiques, mais aussi de gérer une multitude de traces laissées en ligne : profils de réseaux sociaux, boîtes mail, comptes bancaires numériques, blogs ou souvenirs stockés dans le cloud.

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Comprendre ce qu'est un héritage numérique

Un héritage numérique est constitué de toutes les données et contenus qu'une personne laisse derrière elle sur Internet après son décès. Cela inclut :

  • Les profils sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn…)
  • Les comptes de messagerie (Gmail, Outlook...)
  • Les abonnements numériques (services de streaming, cloud, etc.)
  • Les blogs, vidéos YouTube, podcasts…
  • Les photos stockées en ligne et messages privés

Cet ensemble de données, autrefois invisible lors d’un deuil, prend aujourd’hui une place croissante dans les démarches administratives et affectives. Gérer cet héritage numérique, c’est à la fois respecter la mémoire du disparu et clôturer un pan de son existence virtuelle.

Les premières démarches : informer et décider

En cas de décès, la famille proche ou le/la responsable légal(e) doit se pencher sur les accès numériques du défunt. Cela nécessite parfois de connaître ses identifiants, ce qui peut être problématique sans anticipation. Quand ces données ne sont pas directement accessibles, certaines plateformes permettent malgré tout de faire des demandes légales pour gérer un compte post-mortem.

Facebook propose par exemple de désigner un « contact légataire » de son vivant, qui prendra les commandes du compte en cas de décès. Cela permet de transformer le profil en mémorial ou de le supprimer selon les volontés du défunt. Google dispose également d’un outil « Gestionnaire de compte inactif » qui permet d’envoyer certaines données à une personne de confiance à la suite d’une période d’inactivité prolongée.

Dans tous les cas, un premier inventaire des comptes connus et de leur destination souhaitée (conservation ou suppression) est conseillé. Cette étape peut être facilitée lorsqu'un proche a pris soin de consigner des éléments de sa vie numérique, comme expliqué dans cet article : Comment transmettre son histoire personnelle à l'ère numérique.

Faut-il conserver ou supprimer les profils en ligne ?

C’est probablement l’interrogation la plus difficile pour les proches. Les profils en ligne peuvent représenter une forme de souvenir vivant, mais aussi être douloureux à consulter. Il n’existe pas de réponse unique : il faut écouter ses émotions, tenir compte de la volonté du défunt si elle a été exprimée, et prendre le temps nécessaire avant toute décision définitive.

Conserver certains comptes pour y laisser messages, photos ou récits peut d’ailleurs devenir une façon de perpétuer la mémoire d’un être cher. C’est dans cette perspective que certaines familles choisissent de collecter des éléments significatifs de la vie numérique du défunt. Pour les aider dans cette tâche, des outils comme le livre Raconte-moi ton histoire peuvent offrir un cadre intime propice au partage de souvenirs, même posthume.

Le livre Raconte-moi ton Histoire ouvert sur une page d’arbre généalogique

Les plateformes réagissent-elles de la même manière ?

Non. Chaque service en ligne possède ses propres protocoles, et il est essentiel de les consulter individuellement. Voici quelques exemples :

  • Facebook : possibilité de créer une page mémoire ou de demander la suppression du compte avec un acte de décès.
  • Instagram : similaire à Facebook avec un formulaire spécifique pour signaler un décès.
  • Google : l’outil « Gestionnaire de compte inactif » permet d’organiser le transfert ou la suppression de données.
  • Apple : le programme « héritage numérique » permet, si une personne est désignée à l’avance, d’accéder aux données de l’utilisateur défunt.

Avant de faire des démarches, mieux vaut se renseigner auprès des centres d’aide de chaque plateforme. Des sites comme Service-public.fr peuvent aussi donner des indications sur les droits numériques post-mortem.

Préparer son héritage numérique de son vivant

Nous anticipons souvent les démarches matérielles de notre succession, mais encore très peu notre présence en ligne. Pourtant, bien préparer son héritage numérique peut constituer un soulagement immense pour ses proches au moment du décès.

Vous pouvez :

  • Tenir une liste actualisée de vos comptes en ligne et la conserver en lieu sûr
  • Choisir une personne de confiance pour gérer certains comptes
  • Exprimer clairement vos volontés (suppression, transformation en mémorial…)

Ce type de réflexion est d’ailleurs abordé dans cet article en lien : Que laissera-t-on derrière nous sur Internet ?

En parallèle des démarches juridiques ou techniques, il est également possible de transmettre l'essentiel de sa mémoire aux générations futures. Le choix de raconter son histoire, ses valeurs et ses souvenirs dans un livre dédié — comme Raconte-moi ton histoire — devient alors une façon de maîtriser ce que l’on souhaite préserver.

Quand le numérique devient mémoire

Le numérique est parfois vu comme impersonnel ou éphémère. Pourtant, il devient, pour beaucoup, une matière précieuse : voix enregistrées, vidéos, messages, souvenirs d’un quotidien disparu. Comment ne pas y voir une nouvelle forme de mémoire familiale ?

À ce titre, certains souhaitent préserver les photos ou conversations numériques pour la postérité. Des projets de collecte de mémoire digitale fleurissent, comme expliqué dans l’article Mémoires digitales : comment conserver l’essentiel de sa vie en ligne. Cela montre que la transmission passe aussi par ces traces numériques.

Rien ne remplace cependant la parole intimement partagée, consignée dans un cahier, dans une écriture unique. Certaines familles s’appuient ainsi sur des livres à compléter pour accompagner cette transmission, qu’elle soit d’ordre numérique ou émotionnelle.

Ne pas vivre ce deuil numérique seul

On parle souvent du deuil physique, mais rarement du deuil numérique. Pourtant, il peut être tout aussi déstabilisant. Réactiver la mémoire d’un proche via ses messages ou ses photos peut raviver la douleur autant qu’il peut consoler. Être accompagné.e, échanger avec d’autres personnes ayant vécu une situation similaire ou obtenir le soutien de professionnels peut faire la différence.

Des ressources existent pour guider chacun dans ces démarches. Nous proposons par exemple un contenu complémentaire sur la manière de préserver les souvenirs numériques de ses proches.

Il est essentiel d’approcher ce sujet avec douceur et discernement. L’héritage numérique fait partie de notre temps, et bien qu’il soulève des questions inédites, il offre aussi l’opportunité de transmettre autrement une vie, une trace, un lien.