Parler de soi, surtout lorsque le passé semble lointain ou enfoui, n’est jamais simple. Certains souvenirs, longtemps gardés en silence, ressurgissent parfois au détour d’une discussion, d’une odeur, d’un visage. Et lorsqu’ils refont surface, ils peuvent éveiller en nous une volonté de comprendre, de partager ou tout simplement d’alléger le cœur. Se confier sur des événements qu’on croyait oubliés devient alors un acte libérateur, mais aussi un pont tendu vers nos proches et les générations futures.

Pourquoi certains souvenirs ressurgissent-ils après tant d’années ?
La mémoire humaine est complexe. Les souvenirs ne disparaissent pas : ils s’enfouissent. Sous des couches de vécu, de peurs ou de silences, ces fragments de notre histoire personnelle restent vivants, souvent prêts à réapparaître. Un événement déclencheur suffit : une photo, une date, une chanson entendue à la radio, ou un échange inattendu avec quelqu’un de notre passé.
Il n’est pas rare d’observer que ces souvenirs ressurgissent lorsque nous sommes plus disponibles émotionnellement, ou à certaines étapes de notre vie : autour de la retraite, lors d’un deuil, ou simplement à l’approche d’un âge pivot. C’est souvent là qu’émerge la question : que vais-je laisser de moi ?
Les bienfaits de se confier, même tardivement
Partager un souvenir ancien – même douloureux – n’a pas pour seul objectif de l’exprimer. Il permet surtout de mieux le comprendre, de lui redonner une place juste dans notre récit personnel. L'écriture, par exemple, est une forme thérapeutique souvent utilisée. Mais parler confiance et transmission, c’est aussi permettre aux proches de mieux saisir qui nous sommes réellement.
Dans certains cas, mettre des mots sur des blessures anciennes peut même contribuer à pacifier des relations tendues ou à apaiser des non-dits familiaux.
De nombreuses thérapeutes s’accordent à dire que les mots ont la capacité de soigner ce que les silences laissent suppurer.
Comment oser aborder les souvenirs oubliés ou tus ?
Se confier sur un événement enfoui demande d’abord du temps et un espace sécurisant. Cela peut débuter par une conversation informelle, une lettre, ou même une page de carnet. Certains outils peuvent accompagner ce chemin-là, comme les carnets de témoignage ou les livres-guides.
De plus en plus de personnes trouvent, dans ce que l’on pourrait appeler une “bio par fragments”, une manière douce de livrer leur vérité. Ainsi, le livre « Raconte-moi ton histoire » propose un cadre bienveillant sous forme de questions : il invite à se pencher sur sa propre vie pas à pas, sans forcer, en choisissant les chapitres abordés selon les émotions du moment.

Les histoires personnelles : un patrimoine immatériel
Témoigner de son passé, c’est faire acte de mémoire. À l’ère du tout-numérique, les enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants tiennent rarement une conversation en profondeur avec un parent ou un aïeul sur son enfance, sa jeunesse, ses choix de vie. Lorsqu’un récit ancien refait surface, il devient bien plus qu’un souvenir personnel : il rejoint la trame collective des histoires familiales.
Certaines confidences sont parfois restées en suspens pendant des décennies. La peur de choquer, de raviver une douleur ou de ne pas être compris(e) les a tues. Mais aujourd’hui, plus qu’hier, les mentalités évoluent. L’on interroge de plus en plus la notion de mémoires tues, afin d’en mesurer les effets sur les descendants.
Lorsqu’un aîné ose confier une histoire jusque-là muette, il ouvre la voie à des dialogues familiaux profonds, et parfois réparateurs. Certains chapitres de vie, que l’on pensait inracontables, méritent davantage d’être partagés qu’on ne le croit. Cela soulève la question centrale : que faire de ce qu’on n’ose pas raconter ?
Et si partager servait aussi à transmettre ?
Dans une époque où le présent défile à grande vitesse, prendre le temps de regarder en arrière et de raconter constitue un acte d’ancrage. Que l’on soit parent, grand-parent ou simple témoin d’un temps passé, se confier devient une forme de transmission. Cette démarche n’a pas besoin d’être spectaculaire ni exhaustive. Elle peut prendre la forme d’un récit, d’anecdotes égrenées autour d’un repas ou lors d’un après-midi partagé. Elle peut prendre la forme d’un livre que l’on complète peu à peu, à son rythme.
Des ressources telles que écrire ce qu’on n’a jamais pu dire à ses proches, sont précieuses pour poser cette intention. Cela n’a rien d’égocentrique : au contraire, il s'agit d’un acte tourné vers les autres.
Ce que les proches peuvent faire pour accompagner ce chemin
Enfin, il est important de souligner que confier ses souvenirs, surtout ceux qu’on croyait oubliés, demande du courage. L’entourage joue alors un rôle clé. Cultiver l’écoute, proposer un moment propice au partage, ou offrir un support discret mais structurant peut faire toute la différence.
Offrir un cadre d’expression favorise grandement l’émergence des récits. C’est d'ailleurs souvent dans un cadre offert, plutôt qu’imposé, que les plus beaux partages prennent vie. Ainsi, proposer un objet pensé pour cela, comme ce livre conçu pour recueillir les souvenirs de vie, est parfois une manière délicate de dire : « J’aimerais tellement mieux te connaître. »

Les confidences, même tardives, ne sont pas des retours en arrière. Ce sont souvent des pas vers l’autre, et vers une meilleure compréhension de soi-même. Se confier sur des événements longtemps tus ou oubliés, c’est restaurer une continuité dans l’histoire de vie. C’est aussi laisser une trace, précieuse, intime, humaine.
Et parfois, tout commence par une simple question : « Et toi, comment étais-tu enfant ? »
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