Quelles activités mémorielles partager avec un proche qui perd la mémoire ?

Lorsque la mémoire d’un proche commence à s’effacer, les repères se brouillent, les visages deviennent flous et les mots perdent leur sens. Mais au milieu de ce brouillard, une constante reste : le besoin de lien, d’amour et de présence. Accompagner quelqu’un qui perd la mémoire, c’est aussi chercher des manières de lui offrir ces moments d’ancrage. Les activités dites « mémorielles » ont alors un rôle essentiel : elles permettent de raviver des souvenirs, de stimuler les émotions et de conserver une connexion significative avec la personne atteinte.

Livre Raconte-moi ton histoire ouvert à la page d’un arbre généalogique

Pourquoi les activités mémorielles sont-elles bénéfiques pour les personnes atteintes de troubles cognitifs ?

Les troubles de la mémoire, qu’ils soient liés à la maladie d’Alzheimer, à la démence ou simplement au vieillissement naturel, affectent divers aspects de la vie quotidienne. Pourtant, certains souvenirs — en particulier ceux ancrés dans l’émotion ou la routine de vie — résistent étonnamment bien à l’oubli.

Les activités mémorielles s'appuient sur ces souvenirs encore présents. Elles ont pour vertu de :

  • Stimuler la mémoire autobiographique, même de façon fragmentaire
  • Renforcer le lien affectif entre la personne malade et ses proches
  • Apporter un sentiment d’utilité et de reconnaissance
  • Limiter l’anxiété, qui peut être accrue par la confusion temporelle

Chaque instant partagé autour d’un souvenir ou d’un objet du passé peut devenir une ancre rassurante pour une personne qui vacille dans le présent. Ce sujet est abordé en profondeur dans notre article Comment parler du passé avec quelqu’un qui oublie le présent.

1. Créer un album photos ou une boîte à souvenirs

Faites ensemble le tri dans de vieilles photos, des cartes postales, des objets symboliques. Essayez de les classer par époque ou par événement. Posez des questions simples : « Où étions-nous ? », « Qui est sur cette photo ? ». Si la réponse ne vient pas, n’insistez pas : partagez simplement un souvenir que vous avez, laissez le silence aussi exister. Il ne s’agit pas de tester leur mémoire, mais de créer un moment de partage.

Les boîtes à souvenirs sensorielles (avec une écharpe douce, une plume, un parfum familier…) peuvent également réveiller des souvenirs enfouis par l’intermédiaire des sens.

2. Écouter de la musique du passé

La musique possède une capacité étonnante à ressusciter les souvenirs. Les chansons marquantes de la jeunesse ou de moments clés de la vie peuvent provoquer des réactions émotionnelles très fortes, même lorsque tout semble oublié.

Choisissez une playlist de chansons des années 40, 50, 60… selon l’âge de votre proche. Les goûts évoluent peu avec la perte de mémoire. Ferdinand, 85 ans, atteint d’Alzheimer, tapait encore du pied dès les premières notes de Charles Trenet. Cette forme de stimulus musical est d’ailleurs utilisée dans de nombreuses thérapies non médicamenteuses.

3. Reconstituer son histoire personnelle

Évoquer les souvenirs marquants de sa vie est une activité particulièrement enrichissante. Nul besoin d'avoir une mémoire parfaite pour évoquer son enfance, ses premières fois, ses métiers, ses voyages ou les personnes qu'on a aimées.

Pour guider ces échanges, il existe des supports adaptés, comme le livre Raconte-moi ton histoire, spécialement conçu pour inscrire les souvenirs dans un cadre structuré. Ce livre à compléter peut être utilisé à deux, lors de séances régulières de discussion, et devient ainsi un véritable écrin de mémoire.

Livre Raconte-moi ton histoire posé sur un lit avec un stylo

Cette démarche est particulièrement aidante lorsqu’il s’agit de préserver l’essentiel de nos proches, comme expliqué dans cet article centré sur la transmission.

4. Jardiner, cuisiner, bricoler : des gestes qui rappellent

Les souvenirs ne résident pas uniquement dans ce que l'on raconte, mais aussi dans ce que l'on fait. Proposer à votre proche de préparer une recette qu’il aimait, arroser les plantes, plier du linge ou remettre les mains dans la terre sont souvent plus efficaces qu’un long monologue sur le passé.

Ces gestes familiers sont parfois ancrés dans la mémoire procédurale — ce type de mémoire qui devient refuge lorsque les mots se perdent.

Vous pouvez aussi intégrer cette idée dans de petits rituels réguliers : « Le mercredi on prépare le gâteau aux pommes de Mamie Jeanne » ou « Le dimanche on nettoie les outils du jardin ». Cela structure le temps et forge des repères sécurisants.

5. Faire parler les objets

Une vieille montre, une médaille, un tablier, une radio au design rétro… Ces objets ont parfois plus de choses à raconter que mille photos. En manipulant un objet familier, la personne peut reconnecter avec une époque ou un sentiment.

C’est l’occasion d'engager une conversation spontanée : « À quoi servait cela ? », « Tu te souviens qui te l’a offert ? », « Tu l'utilisais souvent quand tu étais jeune ? ».

Si certains jours votre proche reste silencieux, sachez que le contact avec l’objet peut au minimum générer du confort ou de l’émotion bénéfique.

Adapter et respecter le rythme de son proche

Il est essentiel de rappeler que chaque personne vit sa perte de mémoire différemment. Certains jours, elle peut être volontaire et participative ; d’autres, refermée dans une bulle inaccessible. Ne forcez jamais l’échange. Variez les activités selon les envies, les heures de la journée, l’état de fatigue, les saisons.

De même, surveillez les signes de frustration. Si une activité ne fonctionne pas, mettez-la de côté et tentez plus tard. Ce processus d’accompagnement est vivant, souple, et surtout, humain.

Pour mieux comprendre ce que peuvent encore ressentir ou se rappeler les malades, lisez Quels souvenirs partagent encore les malades d’Alzheimer ?

L’importance des souvenirs partagés, même imparfaits

Enfin, gardez à l'esprit que c’est souvent moins le contenu des souvenirs qui importe, que le moment vécu ensemble autour d’eux. Raconter, écouter, toucher, observer, rire ou pleurer relient. Chaque moment passé autour d’un souvenir laisse un marqueur émotionnel profond, parfois imperceptible sur le moment, mais significatif.

Avant que les souvenirs ne s’effacent totalement, certains outils peuvent aider à ancrer durablement les histoires de vie. Le livre Raconte-moi ton histoire s’insère dans cette logique : une manière douce d’ouvrir la parole, de documenter l’essentiel, et de transmettre aux générations suivantes ce que la maladie risque de faire disparaître.

Pour aller plus loin, découvrez aussi comment parler avec un parent Alzheimer sans le blesser ou encore comment favoriser la réapparition d’un souvenir précis chez une personne atteinte.