Le pardon est-il un choix ou une étape de la reconstruction personnelle ?

Le pardon est une notion universelle, évoquant tour à tour la douleur, la liberté, la résilience ou la culpabilité. Dans les chemins sinueux de la vie, nombreux sont ceux qui se posent la question : le pardon est-il un choix conscient à faire, ou une étape nécessaire pour guérir et se reconstruire ? Cette interrogation ne trouve pas de réponse unique, tant elle est liée à des histoires de vie singulières, des blessures intimes, des contextes familiaux ou culturels variés.

Livre Raconte-moi ton histoire sur un lit

Comprendre les mécanismes du pardon : entre émotion et décision

Le pardon n'est pas seulement une réponse émotionnelle. Il implique souvent un processus cognitif : celui de mettre à distance un événement blessant, d’en faire le récit avec du recul, de comprendre, et parfois de recontextualiser. La chercheuse en psychologie Ev Worthington, spécialiste du pardon, évoque le pardon en tant que processus en plusieurs étapes, dont l'une comprend le choix volontaire de pardonner. Mais ce choix doit-il être une obligation ? Non. Il naît souvent d’une nécessité intérieure — celle de se libérer d’un poids devenu trop lourd à porter.

Choisir de pardonner, ce n’est pas nier la douleur ni excuser un acte fautif. C’est plutôt faire le choix de ne plus laisser cet acte diriger nos émotions et nos décisions. En ce sens, le pardon devient un acte de puissance personnelle, un pas vers une reconstruction identitaire et émotionnelle. Cette idée est développée plus en détail dans notre article Comment le pardon peut transformer notre façon de raconter notre passé.

Guérir à travers l’introspection : le pardon comme chemin vers soi

La reconstruction personnelle implique souvent une relecture de son passé. Quand une blessure persiste, elle touche bien plus que nos émotions immédiates : elle impacte notre image de soi, nos liens avec les autres, voire notre capacité à aimer ou à faire confiance. Dans ce contexte, le pardon peut émerger comme une nécessité intérieure pour continuer d’avancer.

Certains choisissent d’écrire, d'autres parlent à un thérapeute, d'autres encore transmettent leur histoire à leurs enfants ou petits-enfants. La parole et l’écriture sont des moyens puissants pour explorer ces blessures et, parfois, leur donner un autre sens. C’est d’ailleurs tout l’objectif du livre Raconte-moi ton histoire, qui propose une série de questions guidées permettant à chacun de témoigner de sa vie et de faire le point sur ses souvenirs, heureux ou douloureux.

Livre Raconte-moi ton histoire arbre généalogique

À travers cette démarche, certains découvrent que pardonner — ou non — devient un point d’inflexion dans leur histoire. Un moment charnière où l’on décide quelle place accorder au passé dans son présent.

Pardon et famille : peut-on transmettre sans se reconstruire ?

Le pardon a une dimension transgénérationnelle. Lorsqu’un adulte n’a pas essayé de guérir ses blessures, celles-ci peuvent se répercuter sur ses enfants de manière implicite — à travers un silence pesant, des attitudes, ou des non-dits émotionnels. Dans cette perspective, pardonner ne concerne pas uniquement sa propre paix intérieure, mais aussi la qualité des récits que l’on transmet.

Comme nous l'expliquons dans l'article Quand le pardon devient un héritage familial, témoigner de ses propres pardons, réussis ou non, offre aux générations futures des clés pour comprendre, et parfois réparer, l’histoire familiale.

Cela passe par une verbalisation : expliquer aux jeunes générations pourquoi certaines décisions ont été prises, comment certains conflits ont été gérés, et ce qui a été laissé en suspens. Témoigner de son expérience pour aider ses petits-enfants à comprendre le pardon peut ainsi contribuer à semer en eux l’idée qu’aucune blessure n’est figée dans une fatalité.

Vieillir avec des blessures : faut-il pardonner pour se libérer ?

À un certain âge, beaucoup ressassent des souvenirs, cherchent à faire la paix, avec eux-mêmes ou avec les autres. Est-ce pour cela que le pardon devient plus accessible en vieillissant ? Peut-être, mais pas toujours. Certaines blessures restent sans pardon possible — et cela aussi doit être accueilli sans jugement. Le refus de pardonner peut également être un point de départ vers une forme de paix intérieure, tant que cette décision est lucide et assumée.

C’est pourquoi il est important d’oser raviver certains souvenirs, même douloureux, pour faire un tri sincère entre ce qui peut être apaisé, et ce qui doit simplement être reconnu. À ce sujet, l'article Est-il sain de raviver de vieux souvenirs pour envisager le pardon explore les bénéfices potentiels — mais aussi les risques — de cette introspection.

Le journal de vie : une ressource puissante pour initier un pardon

Nombreux sont ceux qui prennent enfin le temps d’écrire lorsqu'ils ressentent le besoin de faire le point. Qu’il s’agisse de tenir un journal personnel ou de répondre à des questions comme celles proposées par Raconte-moi ton histoire, cette démarche aide à organiser ses pensées, archiver les événements marquants, et aboutir à des révélations personnelles. C’est parfois dans cet exercice d’auto-narration que le pardon s’impose comme une évidence, non pour effacer, mais pour continuer malgré tout.

Il n’est pas forcément nécessaire d’en faire « cadeau » dès le départ. Mais beaucoup de personnes ayant rempli ce type de livre l’ont ensuite transmis à leurs enfants ou petits-enfants, découvrant que ce partage de soi permet aussi de laisser une trace apaisée. À l’image d’un arbre généalogique où chaque racine, même blessée, trouve sa place dans l’ensemble.

Conclusion : ni injonction, ni oubli

Dire que « pardonner est un choix » sous-entend une liberté ; dire que c’est une « étape » suppose un parcours obligé. La vérité se situe sans doute entre les deux. Pardonner, c’est parfois une décision, parfois une conséquence, parfois une quête inaboutie qui fait déjà partie de notre processus de résilience. En ce sens, il s’agit moins d’un acte ponctuel que d’un mouvement délicat, personnel, qui évolue au fil de l’âge, des événements, et des récits que l’on en fait.

Que le pardon soit offert, refusé, différé ou inconcevable, le plus précieux reste de prendre le temps de se connaître, d’écouter son histoire, et, si possible, de la transmettre. Car c’est dans cette transmission que la souffrance souvent devient mémoire, que le silence devient témoignage, et que les générations futures y trouvent peut-être la force de créer une histoire différente.

Envie d’explorer ce lien entre pardon et mémoire de vie ? Le livre Raconte-moi ton histoire peut être un support bienveillant pour amorcer ce récit intime, à votre rythme.