Certains souvenirs s’imposent à nous comme une vague brutale. D’autres, au contraire, sont profondément enfouis, camouflés derrière les années, le silence ou la douleur. Lorsqu’un événement particulier a tout remis en question — que ce soit un divorce, un exil, une faillite, une maladie ou un deuil — il peut être difficile d’en parler, et donc de s’en souvenir avec clarté. Pourtant, retrouver et formuler ces souvenirs peut être une expérience réparatrice, tant pour soi que pour les proches à qui on transmet cette histoire.

Pourquoi certains souvenirs s’effacent ou se figent
En psychologie, on parle souvent de mécanismes de protection. Lorsqu’un événement déstabilise toute notre existence, notre mémoire peut choisir d’édulcorer certains aspects, d’enfouir certains détails ou de réécrire les faits. Ce n'est pas forcément de l’oubli, mais un recul nécessaire pour continuer à fonctionner au quotidien.
Pourtant, comme l’explique Boris Cyrulnik, psychiatre et neurologue, « lorsqu’un traumatisme est raconté, il cesse d’être un poison. Il devient une histoire que l’on peut intégrer. » Mettre des mots sur un événement marquant permet de l’inscrire dans une perspective plus large, de le replacer dans la chronologie de notre vie et même parfois de le requalifier.
Comment amorcer la remontée de ces souvenirs difficiles
Le défi n’est pas seulement de se souvenir : c’est de trouver les bonnes conditions pour que les récits refassent surface, sans heurt. Plusieurs approches peuvent aider :
- Choisir un espace sécurisé : L’intimité joue un rôle clé. Cela peut être un moment privilégié autour d’un thé, ou dans le calme d’un après-midi seul avec un carnet.
- Poser des questions ouvertes mais précises : Plutôt que « que s’est-il passé ? », on peut oser « te souviens-tu de ce que tu as ressenti le lendemain de cette annonce ? ».
- Utiliser des objets comme ancrage : Une photo, une lettre ou même un lieu peut réveiller des détails oubliés.
Vous trouverez dans cet article complémentaire des suggestions de techniques douces pour faire parler vos proches autour de moments charnières.
Les bienfaits de verbaliser un acte de bascule
Lorsqu’une personne évoque un événement qui a bouleversé sa vie, plusieurs choses se passent. D’abord, elle se réapproprie son expérience. Ensuite, elle en fait don aux autres. Cette double dynamique — individuelle et collective — est au cœur de la transmission familiale.
Dans de nombreuses familles, parler d’un moment de rupture (exil, perte, migration) n’a jamais été possible. Souvent par pudeur ou pour épargner la génération suivante. Pourtant, selon les recherches de la psychologue Anne Ancelin Schützenberger, ces non-dits peuvent peser sur les descendants, parfois inconscients mais bien réels. Libérer la parole permet de faire circuler les émotions et de donner sens aux héritages immatériels.
C'est précisément ce que permet un outil comme le livre “Raconte-moi ton histoire”. Grâce à ses questions guidées, il accompagne les proches dans une démarche d’introspection en douceur, sans jugement ni injonction. Il devient un support stable pour retrouver la parole perdue, au rythme de celui qui s’exprime.

Quand et comment aborder ces souvenirs fragiles avec un proche
Tout le monde n’est pas prêt à évoquer un souvenir bouleversant. Respecter ce rythme personnel est primordial. Il est néanmoins possible de semer des graines qui, avec le temps, permettront l’émergence des récits.
Voici quelques idées concrètes :
- Sur une promenade, poser la question : « Est-ce qu’il y a eu un moment où tu t’es dit que ta vie ne serait plus jamais la même ? »
- Partager soi-même un souvenir douloureux comme une invitation implicite au partage réciproque.
- Offrir un support de récit déclencheur simplement en disant : « Je me suis demandé quel événement a tout changé pour toi. Ce carnet peut t’aider à y réfléchir. »
Pour approfondir cette démarche, notre article “Quel moment a tout changé dans votre vie ?” explore en détail comment formuler des questions fortes avec sensibilité.
Faire de ces souvenirs un acte de transmission
Les histoires de bascule forgent souvent l’identité des familles. Elles expliquent pourquoi on a déménagé, pourquoi on ne parle plus à telle branche de cousins, ou pourquoi un parent a toujours travaillé avec acharnement. En racontant ces moments fondateurs, on tisse le fil rouge qui relie les générations.
Ces récits sont précieux, même s’ils sont incomplets ou imprécis. Plus encore lorsqu’ils révèlent des formes de résilience et de courage. Le blog de Raconte-moi ton histoire regorge de témoignages inspirants. L’article “Écouter les récits de survie et de courage de sa famille” explore des exemples concrets de familles ayant retrouvé le sens de leur trajectoire en partageant ce type de souvenirs.
Mais cela ne se fait pas toujours spontanément. C’est pourquoi certains préfèrent passer par des outils concrets, dépersonnalisants mais rassurants, comme un livre de souvenirs guidé. Le carnet “Raconte-moi ton histoire” accompagne dans cette transmission sans imposer, avec délicatesse.
Un travail de mémoire pour mieux comprendre l’héritage familial
Faire émerger une mémoire silencieuse, c’est ouvrir une brèche dans le passé. Cette ouverture peut faire peur, réveiller des douleurs ou des colères. Mais elle rend aussi plus « lisible » l’histoire familiale. On comprend alors que tel comportement, telle crainte ou telle tradition vient de quelque part.
Certains moments de rupture sont des fondations masquées. Ce sont ces « instants de bascule » que nous évoquons plus en détail dans l’article “Ces instants de bascule qui ont forgé notre famille”. Identifier ces carrefours permet non seulement de mieux se connaître, mais aussi de réparer, si besoin, certaines blessures d’héritage.
Ce travail est souvent un cadeau pour soi — et pour les générations qui suivent.
Faire surgir les récits qui changent tout : une démarche sensible mais fertile
Raconter ce qui a changé sa vie, c’est souvent dire qui l’on est vraiment. C’est aussi s’inscrire dans une lignée, transformer la douleur ou l’épreuve en ressource partagée. Chaque souvenir difficile exploré devient un mot de passe pour entrer dans l’intimité d’une histoire, et parfois, la réécrire avec bienveillance.
Ceux qui ne savent pas par où commencer peuvent s’appuyer sur des outils pensés pour guider, page après page, dans ce cheminement intérieur. “Raconte-moi ton histoire” en fait partie.