Est-ce égoïste de ne pas pardonner ?

Le pardon est un sujet profondément humain, complexe et nuancé. Lorsqu’un proche nous a blessés, volontairement ou non, la question du pardon revient toujours. Que faire quand la blessure est profonde ? Est-ce nécessaire de pardonner pour avancer ? Et surtout, est-ce égoïste de ne pas réussir à le faire ?

Livre Raconte-moi ton histoire sur un lit avec un stylo

Comprendre les raisons de l’absence de pardon

Refuser de pardonner n'est pas toujours une décision consciente. Pour certaines personnes, c’est une forme de maintien de dignité, un besoin viscéral de se protéger émotionnellement. Dans d'autres cas, c'est une conséquence directe de traumatismes non digérés, parfois enfouis depuis l’enfance. Le pardon, loin d’être un automatisme, demande de traverser un profond processus intérieur.

Comme l'explique le psychiatre Christophe André, le pardon ne signifie pas nécessairement « oublier » ou « excuser », mais plutôt se libérer soi-même du poids émotionnel que représente une offense. Pourtant, certaines blessures restent vives, même après des années. Le choix de ne pas pardonner se comprend mieux dans la lumière de ces douleurs souvent invisibles.

Le lien entre transmission familiale et pardon

Dans les familles, les rancunes peuvent se transmettre. Un silence non exprimé devient parfois une tradition tacite. Lorsqu’on refuse de pardonner un parent ou un proche, ce choix peut rejaillir sur la manière dont on élève ses propres enfants, ou sur ce que l’on transmet consciemment ou non. À travers ces héritages invisibles, ce sont parfois des générations entières qui vivent dans la répétition de conflits non résolus.

Rédiger sa propre histoire, ou encourager ses aînés à le faire, peut avoir un effet libérateur dans la reconstruction des liens. À ce sujet, un outil comme le livre “Raconte-moi ton histoire” permet de raviver des souvenirs que l’on croyait oubliés, mais aussi de mieux comprendre les parcours familiaux souvent complexes.

Arbre généalogique dans le livre Raconte-moi ton histoire

Dans certains cas, raconter son histoire permet aussi d'offrir une forme de réparation symbolique. Cet acte peut agir comme un baume sur des générations marquées par des non-dits, des absences ou des blessures profondes.

Est-il nécessaire de pardonner pour se construire ?

Refuser de pardonner n’empêche pas nécessairement de se construire. Pour certains, l’absence de pardon est un moteur, une manière de poser des limites, de se préserver. Pourtant, d'autres ressentent une forme d'amertume persistante, une fatigue émotionnelle liée au maintien constant d'une blessure ouverte.

Des psychologues et thérapeutes tels que Boris Cyrulnik ont souvent évoqué l’idée que la résilience peut exister même lorsque le pardon est impossible. L’important est alors de donner un sens à ce que l’on a vécu, et non de forcer un acte qui ne viendrait pas naturellement. Quand le pardon n’est plus possible, transmettre autrement devient essentiel.

Quand le pardon devient-il un acte altruiste ?

Il arrive que le pardon soit conçu non comme un acte tourné vers l’autre, mais comme un acte que l’on s’offre à soi-même. Dans cette vision, pardonner, ce n’est pas excuser, ni retrouver l’autre, mais se libérer. À ce titre, refuser de pardonner n’est pas par essence égoïste, mais cela mérite d’être interrogé : suis-je libre dans ce refus, ou prisonnier d’une douleur passée ?

Dans certains témoignages recueillis dans le cadre de récits familiaux, comme c’est évoqué dans cet article sur la force du pardon dans les récits familiaux, le partage d’histoires entre générations a ouvert des espaces de compréhension nouveaux. Parler de soi, raconter ses blessures, mettre des mots sur l’indicible, tout cela prépare parfois le terrain à un pardon possible, même des décennies plus tard.

Ressentir la légitimité de son propre chemin

Dans nos parcours personnels, chacun avance à son rythme. Il n'existe pas de délai idéal pour pardonner. Et parfois, l’apaisement peut survenir sans qu’un pardon explicite ne soit prononcé. On peut rétablir une forme d’équilibre intérieur sans revenir nécessairement vers la personne à l’origine de la blessure. C’est ce que développent certains spécialistes de la thérapie familiale ou narrative, comme le montre l’article : Peut-on trouver l’apaisement sans le pardon explicite d’un proche disparu ?

Dans tous les cas, s’autoriser à vivre selon ses propres besoins émotionnels est une marque de respect envers soi-même. Il n’y a rien d’égoïste à refuser le pardon si son absence est vécue comme une cohérence personnelle, une fidélité à ses valeurs, ou une protection vitale.

Écouter les récits pour mieux comprendre les blessures

Une piste pour avancer, sans forcer le pardon, est d’ouvrir des espaces d’écoute. Lorsqu’un proche raconte son parcours avec sincérité, cela change la perception que l'on a de lui, et parfois même de la douleur vécue. Écouter ce récit ne signifie pas excuser son comportement, mais chercher à comprendre ce qui l’a façonné. Cette posture d’ouverture est bien décrite dans l’article Comment aider un proche à pardonner en l’écoutant raconter son histoire.

Ce type d’écoute bienveillante est rendu possible grâce à des outils simples et puissants. Le livre “Raconte-moi ton histoire”, par exemple, offre une structure pour guider la narration d’un proche. Chaque page contient des questions qui encouragent à exprimer des souvenirs, des regrets, des choix de vie. C’est parfois au détour d’une question sur l’enfance que surgit une émotion enfouie qui éclaire différemment une douleur encore vive.

Enfin, rédiger ses propres souvenirs, comme l’explique l’article rédiger ses souvenirs pour libérer les rancunes de l’enfance, peut aussi être une voie vers un pardon intérieur, même si celui-ci ne prend jamais forme dans le dialogue avec l'autre.

Conclusion : le pardon n’est ni une obligation ni un devoir

Il est essentiel de rappeler que le pardon n’est pas synonyme de paix absolue, et son absence ne rime pas avec égoïsme. Chacun avance sur son propre chemin, à son propre rythme. Ce qui compte, c’est de rester à l’écoute de soi, et garder ouvertes les portes du dialogue, de la compréhension et parfois, de la réécriture de nos récits personnels.

Et parfois, un simple livre, posé entre les mains d’un parent, peut devenir ce pont discret mais décisif vers une réconciliation, intérieure avant tout.

Livre Raconte-moi ton Histoire emballé en cadeau près du sapin