
Comprendre les enjeux de la mémoire face à une maladie dégénérative
Les affections neurodégénératives telles qu’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques touchent de plus en plus de familles. Si elles se manifestent différemment selon les individus, elles ont toutes un impact notable sur la mémoire, la communication et la capacité à se raconter. Recueillir les souvenirs d’un proche atteint de l’une de ces maladies n’est pas seulement un acte de mémoire : c’est aussi une forme de présence bienveillante, de reconnaissance et d’amour.
Mais par où commencer ? Et comment aborder cette pratique sans brusquer ni fatiguer la personne concernée ?
Choisir le bon moment et le bon rythme
Les personnes atteintes de maladies dégénératives peuvent avoir des périodes de plus grande disponibilité cognitive et émotionnelle. Il est donc crucial d'observer les moments où votre proche semble plus serein, éveillé, ou accessible à l’échange. Évitez d’imposer, proposez plutôt :
- Des brefs temps de conversation, quelques minutes peuvent suffire.
- Un environnement calme, sans distractions visuelles ou sonores.
- Un cadre familier où votre proche se sent en sécurité.
Avoir une routine douce et rassurante, comme une tasse de tisane et un fauteuil confortable, peut transformer un temps de recueil en véritable moment de lien.
Les questions simples au service de la mémoire affective
Certaines mémoires résistent mieux à la maladie : la mémoire affective et la mémoire à long terme se manifestent souvent, même lorsque le reste semble flou. Plutôt que d’interroger sur des dates précises, partez d’éléments émotionnels :
- Quels étés ont été les plus heureux de votre vie ?
- Vous souvenez-vous d’un repas de famille particulièrement marquant ?
- Quelle chanson écoutiez-vous souvent quand vous étiez jeune ?
Le ton employé est essentiel : doux, non intrusif, et toujours ouvert. L’idée n’est pas de « performer la mémoire », mais de la laisser s’exprimer librement, même de manière fragmentaire.
Utiliser des supports visuels et sensoriels
Les déclencheurs sensoriels peuvent faire surgir des souvenirs enfouis. Feuilleter un album photo, sentir un parfum familier, écouter une vieille chanson, ou toucher un tissu particulier active souvent des réminiscences précieuses. Vous pouvez aussi :
- Créer un petit tableau de souvenirs avec objets (une montre, un bijou familier, une coupure de journal)
- Afficher des photos d’époques différentes avec des légendes à compléter ensemble
- Ecouter ensemble de la musique de la jeunesse de votre proche
Ces éléments facilitent l’évocation sans mettre de pression sur la parole. Ils permettent aussi aux aidants ou autres membres de la famille d’entrer dans cette démarche de transmission sans nécessairement parler directement.
Choisir un outil adapté pour recueillir les souvenirs écrits
Quand les récits commencent à émerger, il est important de les garder. Certains choisissent d’enregistrer les paroles à l’oral, d’autres préfèrent prendre des notes. Pour une approche plus structurée et pérenne, utiliser un support conçu pour guider la parole peut être d’une aide considérable.
Par exemple, le livre Raconte-moi ton histoire permet de poser des questions guidées, douces et progressives, que l’on peut remplir à deux. Il n'est pas pensé pour interroger, mais plutôt pour éveiller des souvenirs dans un cadre intime, rassurant, et sans jugement. Chaque page invite à déposer, à son rythme, un morceau de mémoire.

Créer des rituels de transmission dans le respect de la dignité
Recueillir les souvenirs ne devrait jamais ressembler à une enquête. C’est un chemin de rencontre, un moment suspendu où même les silences ont du sens. Vous pouvez mettre en place un petit « rendez-vous récit » régulier — chaque mardi après-midi, par exemple. Ces moments deviennent souvent très attendus, autant pour la personne malade que pour l’aidant.
Au fil du temps, ces instants peuvent aussi contribuer à renforcer l’identité de votre proche, à lui permettre de se reconnecter à ses expériences positives, à son humanité intacte au-delà de la maladie.
Pour aller plus loin dans cette réflexion, vous pouvez consulter notre article sur la manière d'honorer le courage face à la maladie.
Impliquer la famille pour partager et alléger la charge
Le recueil des souvenirs peut aussi être une dynamique familiale. Impliquer les petits-enfants, les neveux, les enfants ou cousins dans les séances de remémoration offre une pluralité de regards et peut enrichir les interactions. Certains membres poseront des questions auxquelles vous n’auriez pas pensé, d’autres capteront plus facilement les émotions de votre proche.
Et parfois, quelques questions bien posées suffisent pour libérer des récits. Vous pouvez explorer les bienfaits de l'écriture guidée dans un parcours de maladie dans cet article : Faciliter l'expression des émotions grâce à l'écriture guidée.
Accepter l’imperfection du récit
Il est essentiel de ne pas chercher à tout restituer de façon ordonnée ou exhaustive. Les blancs, les répétitions, les sauts dans le temps font partie du récit de vie dans ce contexte. Il s’agit plus ici de capter une essence, une émotion, que de produire une chronique historique.
Accepter cette imperfection, c’est faire preuve de respect. C’est aussi se rendre disponible à accueillir ce que la personne peut encore transmettre, plutôt que regretter ce qu’elle ne dira plus.
Vous pouvez consulter notre article complémentaire sur l’utilisation du récit comme message d'espoir face à la maladie.
Donner une utilité au récit recueilli
Une fois les souvenirs rassemblés, il est possible de les relire ensemble, de les illustrer, de les relier dans un cahier ou un album. Ces objets ont une valeur symbolique forte : ils sont un trait d’union entre générations, entre passé, présent, et avenir.
Rédiger ou compléter ensemble un ouvrage comme Raconte-moi ton histoire, même partiellement, peut devenir un héritage précieux pour la descendance, et un miroir apaisant pour votre proche dans son quotidien.
Si vous vous demandez comment initier doucement cette démarche, nous avons aussi un article de fond qui aborde ce sujet : initier un parent à parler de son combat contre la maladie.
En conclusion
Recueillir les souvenirs d’un proche atteint d’une maladie dégénérative, c’est offrir un accompagnement humain au cœur de la vulnérabilité. C’est aussi créer une trace durable, parfois modeste, mais profondément significative pour soi, pour lui, et pour les générations qui suivent.
Dans cette mission sensible, chaque mot enregistré, chaque regard capté, chaque silence honoré, participe d’un acte de mémoire collective. Le livre Raconte-moi ton histoire peut être l’un de ces précieux médiateurs silencieux, qui offrent un cadre rassurant à la magie fragile du témoignage.