Devenir parent, c’est comme passer d’un langage familier à une langue étrangère qu’on finit par parler avec le cœur. Avant l’arrivée de mes enfants, j’avais une idée bien définie du bonheur : réussir professionnellement, voyager souvent, remplir mes journées d’activités enrichissantes. Mais la parentalité a doucement redessiné les contours de ce bonheur, souvent sans que je m’en rende compte. En prenant du recul, je mesure à quel point ma perception du bonheur a évolué.
La quête personnelle avant la parentalité
Avant d’avoir des enfants, ma vie était centrée sur mes propres expériences. Mes objectifs étaient personnels, et mon bien-être s’appuyait sur trois piliers : la liberté, l’accomplissement et la nouveauté. Je cherchais à construire une vie pleine de sensations, à cocher des cases — des études réussies, un emploi stable, un réseau social épanouissant. Mon bonheur dépendait principalement de ce que j’avais, de ce que je réalisais. En y repensant maintenant, c’était une forme de bonheur axée sur la performance et la projection.
Quand le quotidien change de rythme
L’arrivée de mon premier enfant a été une rupture dans ce schéma. Dès les premiers jours, où les nuits blanches succédaient aux journées floues, mes anciens repères ont volé en éclats. Je ne pouvais plus planifier à long terme, ni m’accrocher à des objectifs personnels sans les adapter à cette nouvelle réalité. Le bonheur n’était plus lié à ce que je faisais, mais à ce que je vivais, là, maintenant.
Ce glissement du projet vers le présent, du mouvement vers la stabilité, a été lent mais profond. Apprendre à apprécier des choses simples — une soirée calme, un sourire au réveil, un moment de jeu sur un tapis — a transformé ma vision du bonheur. Cela m’a amené à redécouvrir mes propres souvenirs d’enfance. C’est avec cette idée que j’ai voulu garder une trace des instants pleins de sens, en explorant par exemple le livre Raconte-moi ton histoire, qui invite à replonger dans nos souvenirs personnels.

La redéfinition du bonheur : être au lieu d’avoir
La parentalité nous contraint, au départ, à abandonner beaucoup : du sommeil, du temps, parfois même notre identité d’avant. Mais c’est aussi dans ce dépouillement que naît une forme de bonheur plus durable. Moins spectaculaire, plus ancré. Un bonheur qui ne tient pas à la réussite, mais à la connexion humaine. Dans l’échange silencieux d’un regard, dans la transmission maladroite de nos valeurs, dans les moments de complicité.
J’ai aussi réalisé que cette nouvelle définition du bonheur était bien plus difficile à expliquer qu’à ressentir. Comment dire à ses enfants ce que signifie le bonheur largement vécu par les silences et les petites actions du quotidien ? C’est une question qui m’a amené à réfléchir à comment parler simplement de ce qui me rend heureux.
Observer le temps qui passe à travers ses enfants
Un des grands retournements de perspective est survenu quand j’ai vu mes enfants vivre des joies que j’avais moi aussi connues à leur âge, mais oubliées. Le bonheur de se baigner dans une rivière, de faire un gâteau en famille, de se cacher dans une cabane improvisée. Le bonheur d’être ensemble. C’est à travers eux que j’ai retrouvé mes propres souvenirs, parfois très flous. Et j’ai compris que le bonheur est aussi une affaire de mémoire, de transmission.
Cela m’a rappelé combien il est précieux de garder la trace de nos expériences personnelles, pour pouvoir un jour les partager et transmettre. Ainsi, j’ai pris le temps de réfléchir à mon propre bonheur à ce jour, mais aussi à ce que je souhaiterais que mes enfants retiennent de moi, de nous, de ce que notre vie familiale a su construire.

Le bonheur devient une histoire à raconter
Avec du recul, je vois que mon bonheur a basculé du personnel vers le relationnel. Au lieu d’accumuler les expériences, je cherche à les vivre pleinement, puis à les transmettre. Cette dimension de transmission est devenue centrale. Nous posons souvent des questions à nos enfants, mais quand prennent-ils le temps de nous en poser ? C’est l'inverse qui se produit lorsqu'on prend le temps d’explorer nos souvenirs pour les partager, comme peut le permettre Raconte-moi ton histoire — un livre pas comme les autres, qui questionne affectueusement notre passé.
Dans une ère où tout va vite, il est apaisant de se reconnecter à la mémoire familiale, quelque chose de tangible et de durable. Je me rends compte à quel point cela construit aussi l’identité de mes enfants, et leur apprend une autre définition du bonheur : celle que l’on construit à plusieurs.
La boucle du bonheur générationnelle
Être parent, c’est aussi devenir le premier témoin de son propre enfantement. Le bonheur ne passe plus par mes accomplissements, mais par la façon dont je participe à ces petites fondations invisibles dans la vie de mes enfants. Mon rôle a changé : je suis devenu un gardien de souvenirs, un passeur de sens.
Dans ce cheminement, je me suis surpris à vouloir transmettre ma propre notion du bonheur à mes enfants, et à la future génération. C’est un sujet que j’ai approfondi dans cet article : Transmettre ma notion du bonheur à la jeune génération. Car au fond, ce bonheur-là est plus qu’une émotion, c’est une boussole.
Déposer des fragments de son histoire dans un objet fait pour cela réenchante le processus. Que ce soit pour moi ou pour mes parents, le livre Raconte-moi ton histoire rend ce lien possible sans l’intimider. Chacun peut y écrire, à son rythme.
Conclusion : Le bonheur, une définition mouvante
Aujourd’hui, je me rends compte que mon idée du bonheur est devenue plus complexe mais aussi plus enracinée. La parentalité ne l’a pas réduit, elle l’a redéfini. Il est passé d’un objectif à atteindre à une présence quotidienne. Et c’est dans cette transformation que réside toute sa richesse. Prendre du recul sur cette évolution, c’est aussi une manière de mieux comprendre ce que nous voulons transmettre.
Il m’arrive parfois de feuilleter nos albums de famille ou de discuter avec mes enfants de mes souvenirs d’enfance. Et je constate que ces moments ont une portée plus grande qu’ils n’en ont l’air. J’ai d’ailleurs raconté récemment mes moments de bonheur passés à mes enfants, construisant ainsi un dialogue plein de sens entre les générations.