Lorsqu’on traverse une maladie grave, trouver les mots pour exprimer ce que l’on ressent peut devenir un véritable défi. La douleur physique s’accompagne souvent d’une tempête émotionnelle difficile à formuler. Pourtant, mettre des mots sur cette épreuve peut être un puissant levier de soulagement, de transmission et de reconnexion avec soi et les autres.
Pourquoi exprimer ce que l'on traverse est essentiel en cas de maladie grave
La parole, l’écriture ou même le dessin peuvent devenir des exutoires précieux face à la maladie. Exprimer ce que l’on traverse permet de prendre du recul, de retrouver du sens, de ne pas se sentir seul et parfois même de faire le lien entre son vécu et celui de ses proches. Psychologiquement, cela offre également un soutien : selon la psychologue Marie-Frédérique Bacqué, mettre le vécu en mots contribue à diminuer l’angoisse existentielle et à structurer l’expérience intérieure.
Nombreux sont les témoignages de personnes atteintes de cancer, de sclérose en plaques ou d’autres pathologies qui racontent à quel point l’expression — via un journal, une discussion avec ses enfants, un enregistrement audio, etc. — leur a permis de reprendre une forme de contrôle sur leur existence mouvementée. Cela devient, en quelque sorte, un acte de résilience.
Comment trouver les bons mots pour décrire ce que l’on vit
Beaucoup de malades hésitent à parler franchement, de peur d’inquiéter leurs proches ou de ne pas réussir à formuler ce qu’ils ressentent. Il n’existe pourtant pas de « bons mots ». L’important est d’être sincère, même si le langage est maladroit ou haché.
- Écrire à la première personne : cela permet de recentrer le discours sur son ressenti plutôt que sur la maladie elle-même.
- Démarrer par ce qui vous pèse le plus : émotion, douleur, incompréhension médicale, sentiment d’injustice… Laisser couler les mots sans filtre.
- Utiliser les supports disponibles : un carnet, une application de dictée vocale, un message vocal, ou même une lettre manuscrite à adresser à un proche (ou à soi-même).
Adapter son discours selon son entourage
Communiquer avec ses proches n’a pas à être uniforme. On ne dit pas les mêmes choses à son conjoint(e), à ses collègues, à ses enfants ou à ses parents. Il peut être utile de clarifier ce que l’on souhaite partager et avec qui.
Pour les enfants, il est particulièrement important de préserver leur innocence tout en leur donnant des repères. L’article Comment parler de sa maladie à ses enfants tout en préservant leur innocence décrit plusieurs approches douces et efficaces.
Exprimer la maladie par des souvenirs ou des récits de vie
Parfois, c’est en parlant du passé que l’on parvient à aborder le présent. Raconter des souvenirs d’enfance, évoquer un événement marquant ou simplement décrire une journée ordinaire vécue il y a longtemps... Tout cela peut créer un pont émotionnel avec ses proches et leur transmettre une part de soi, même dans les instants les plus difficiles.
Certains outils peuvent faciliter cette démarche, notamment des carnets structurés par des questions. Le livre Raconte-moi ton histoire en est un bel exemple : il propose des pages thématiques qui aident à retracer les grandes lignes de sa vie à travers la mémoire, sous forme de récits personnels. Il favorise une narration libre, intime, souvent profondément libératrice.

Dans certaines familles, écrire dans ce type de support devient un rituel, un moment de partage en soi. Cela permet également de laisser un précieux témoignage aux générations futures, comme en témoigne notre article Trouver un apaisement en retraçant la vie de ceux qu’on a aimés.
Exprimer la souffrance sans culpabilité
Nombreux sont les malades qui se retiennent de parler par peur de faire peser leurs émotions sur leurs proches. Mais il est important de comprendre que partager ne signifie pas se plaindre : c’est simplement ouvrir une fenêtre sur son monde intérieur. Dans certains cas, l’aide d’un psychologue ou d’un groupe de parole est utile pour sortir de l’isolement émotionnel.
Les lettres, les journaux intimes ou les livres à compléter peuvent aussi servir de relais. Contrairement à l'expression orale, l’écriture permet de revenir sur ses mots ou de les garder pour soi si partager devient trop difficile.
Créer du lien quand la parole devient difficile
Lorsque la maladie prend trop de place, on peut avoir du mal à parler. Dans ces moments-là, s’appuyer sur des objets, des images ou des écrits peut créer un langage symbolique tout aussi fort. Partager un album photo, transmettre une recette de famille ou simplement offrir un mot doux peuvent être des actes d’expression silencieuse mais profonds.
Autour d’un repas ou lors d’un moment calme dans la chambre d’hôpital, ces instants deviennent parfois des sources de transmission. Vous pouvez explorer plus loin ce sujet dans cet article sur la transmission des émotions et des valeurs.

Le rôle des souvenirs dans le processus de guérison symbolique
Même quand guérir physiquement n’est plus possible, guérir intérieurement reste accessible. De nombreux malades parlent d’un changement de regard sur leur vie, sur leur famille, sur eux-mêmes. Le souvenir devient alors un fil conducteur, un refuge, mais aussi un moyen d’enseigner ce qui a été important pour eux.
Créer un temps de recueillement autour des souvenirs, à plusieurs générations, peut offrir un apaisement inattendu, comme évoqué dans ce témoignage familial touchant.
Accepter que tout le monde n’exprimera pas les choses de la même manière
Enfin, chacun vit et formule différemment sa maladie. Certains voudront écrire chaque jour, d’autres préfèreront le silence. Il n’y a pas de bonne méthode, seulement celle qui permettra, à un moment donné, de se sentir aligné avec ce que l’on traverse.
C’est parfois dans les moments les plus inattendus — une promenade, une chanson entendue, un objet ancien — que surgit l’envie de dire ou d’écrire. Ne retenez pas cette envie. Car exprimer sa douleur, ses joies passées ou ses regrets, c’est aussi honorer sa vie.
Et parfois, tout commence par une simple page blanche et une question ouverte.